João Félix, c’est quoi le problème ?
Le 11 avril 2019, João Félix, jeune prodige portugais âgé de 19 ans, a marqué les esprits du monde du football en réalisant un triplé lors du quart de finale d’Europa League contre l’Eintracht Francfort. Son talent exceptionnel l’a rapidement placé sous les projecteurs au Portugal, devenant le symbole du renouveau du Benfica sous Bruno Lage. Ses performances remarquables, avec 15 buts et 7 passes décisives, ont été déterminantes dans la remontée vers le titre de champion en seconde partie de saison. Ses performances impressionnent et de nombreux clubs s’intéressent à lui, mais c’est finalement l’Atlético Madrid qui a réussi à le recruter pour une somme record de 122 millions d’euros.
Cependant, quatre ans après son transfert, la carrière de João Félix semble stagner. Devenu indésirable chez les Colchoneros, les clubs ne se pressent pas pour le recruter. Pourquoi un joueur si talentueux n’arrive pas à confirmer en club comme en sélection ?
Un style de jeu atypique
João Félix, c’est avant tout un style de jeu bien particulier. Bien loin des capacités physiques surhumaines des « joueurs de demain » tels que Kylian Mbappé ou Erling Haaland, João se distingue par ses qualités techniques et tactiques. Il ne brille pas par sa robustesse ni par sa vitesse, mais c’est balle au pied qu’il fait la différence.
João Félix aime le ballon et encore plus lorsque celui-ci est dans ses pieds. Il excelle dans les petits espaces, où il peut démontrer sa technique et sa vision de jeu. C’est sur ses premières touches de balle qu’il aime faire la différence. Prise de balle, contrôle, enchaînement, le Portugais est si fort techniquement qu’il peut éliminer n’importe quel adversaire en un contre un. Créateur de génie doté d’une grosse vision de jeu et d’une très bonne qualité de passe, il est capable de profiter du moindre espace laissé par l’adversaire pour créer des occasions de but pour ses coéquipiers. João Félix possède toute la panoplie pour faire trembler les défenses lorsqu’il a le pied sur le ballon, un magicien qui peut à tout moment créer une situation de but d’un rien.
Toutefois, dans un football de plus en plus rapide et physique, João Félix semble parfois dépassé. Son jeu sans ballon en souffre considérablement, peu d’appels en profondeur, les longues chevauchés à la Mbappé ou à la Leão ce n’est pas pour lui. Le pressing tout-terrain n’est pas non plus sa spécialité. Bien qu’il puisse parfois montrer un côté hargneux, il préfère se concentrer sur le jeu avec le ballon. Et malheureusement, les statistiques ne jouent pas en sa faveur. Dans un football moderne où elles sont devenues primordiales, João brille davantage dans la création, à l’avant-dernière passe et dans les dribbles pour créer des espaces. Il sait marquer des buts, mais ce n’est pas sa priorité, ce qui se reflète dans ses statistiques.
Son style de jeu ne se prête pas à tous les postes offensifs. Contrairement à la polyvalence observée chez de nombreux grands joueurs, il a besoin d’être placé dans un environnement qui lui offre la liberté de jeu et qui lui permet de s’exprimer pleinement sur le terrain. Se cantonner strictement à un poste précis ne lui convient pas. Pour exprimer tout son potentiel, il doit être libre de se déplacer sur le terrain, de se faufiler entre les lignes et de se faire oublier par les adversaires.
En fait, João Félix, c’est un numéro 10, un vrai, soyeux et élégant à souhait, nonchalant mais terriblement beau à voir jouer. Malheureusement, le rôle de numéro 10 a quasiment disparu du football moderne et il peine à trouver sa position idéale sur le terrain. Les tentatives de l’adapter sur un côté ou en pointe ne se sont pas avérées concluantes, son manque d’explosivité sur les ailes et son incapacité à tenir les duels physiques avec les défenseurs centraux étant des freins à son éclat à ces postes. Sa position parfaite se situe dans l’axe, derrière l’attaquant ou en soutien, comme à Benfica.
De plus, pour que João Félix puisse exprimer tout son talent, il a besoin d’évoluer dans une équipe tournée vers l’offensive et privilégiant la possession du ballon. Son style de jeu se révèle peu adapté aux équipes rigides qui privilégient la récupération basse du ballon et les transitions rapides. Faire la différence à 50 mètres du but adverse et avaler l’espace dans le dos des défenses étant loin d’être ses points forts, il est en plus loin de rafoler des duels.
João Félix reste un talent indéniable, doté d’un style unique qui fascine et de plus en plus rare dans le football moderne. Cependant, le défi persiste pour ses entraîneurs de déterminer le rôle et les conditions idéales qui lui permettront de performer au sommet de son art.
Des choix de carrière douteux
En 2019, le transfert de João Félix à l’Atletico Madrid suscitait de grands espoirs. Sur le papier, cela semblait être une aubaine pour les deux parties. Le jeune prodige portugais allait s’aguerrir dans un club exigeant, sous la tutelle d’un des meilleurs entraîneurs du monde, et l’Atletico allait bénéficier de la créativité et de la folie que Griezmann apportait autrefois, avec l’espoir de le revendre à prix d’or par la suite. Cependant, rapidement, les lacunes du mariage ont été mises en évidence.
Dès sa première saison à l’Atletico, João Félix a déçu. En plus d’être gêné par des blessures, son style de jeu singulier ne semblait pas s’accorder avec une équipe très axée sur la rigueur défensive et la récupération basse du ballon. Loin de s’épanouir, le joueur portugais a laissé Simeone sur sa faim, incapable de le façonner comme il l’avait fait avec Griezmann. La saison suivante, sous l’impulsion de Nelson Vivas, l’Atletico adopte un jeu plus tourné vers l’offensive, et João Félix retrouve des couleurs aux côtés de Luis Suarez. Pourtant, son bonheur sera de courte durée. Entre blessures et absences dûe au COVID, João disparaîtra à nouveau des plans de Simeone. Par la suite, il n’arrivera plus à enchainer sous le maillot Colchonero, en froid avec son entraîneur il se retrouvera bien (trop) souvent sur le banc. L’Atletico décide alors de le prêter à Chelsea. Malheureusement, ce prêt s’avère également peu fructueux. João performe dans un premier temps sous la houlette de Graham Potter, mais le départ de ce dernier et l’arrivée de Lampard et son jeu aseptisé ne conviennent pas au Portugais. Il perd sa place de titulaire et semble inadapté au style de jeu instauré par la légende des blues avouant même que le Portugais lui-même ne savait pas où jouer.
Le choix initial de l’Atletico semble désastreux aujourd’hui. Chez les Colchoneros, axés sur l’intensité défensive, les duels et les transitions, Félix n’a jamais réussi à s’adapter, mais El Cholo ne se sera jamais adapté non plus à son prodige. Trop souvent utilisé à contre-nature, sur un côté, loin du coeur du jeu où il est capable de briller, on a la sensation que Simeone n’a pas vraiment compris le football de João. De plus, le coach Uruguayen aura fait payer très cher au Portugais chaque contre-performance, remplacement précipité ou période prolongée sur le banc, il ne lui aura fait aucun cadeau. Ce transfert est le résultat d’une erreur tant de la part de ses conseillers que du joueur lui-même, ayant opté pour un club aux antipodes de ses besoins pour briller. Toutefois, il est important de souligner que le Portugais n’est pas exempt de critiques. Son manque d’engagement et de volonté, pointés régulièrement par Diego Simeone, contribue également à la difficulté de leur relation. João Félix n’aura jamais vraiment cherché à s’adapter aux préceptes d’El Cholo, il se sera contenté de faire ce qu’il sait faire et rechigner à l’effort lorsque cela ne lui plaisait pas. Face aux difficultés rencontrées (justifiées ou non), il n’aura jamais répondu de la bonne manière, se comportant trop souvent comme un enfant et préférant se plaindre. De plus, des blessures répétées survenues aux mauvais moments compliquent encore plus sa défense.
Le plus important, c’est qu’aucun de nous dans l’équipe n’est plus important que l’Atlético. L’Atlético est plus important que nous. Quand on arrive au club, il y a des valeurs comme l’engagement, l’humilité, le respect… Jusqu’au dernier jour il faut se donner. Personne, mais personne n’est au-dessus de l’Atlético.
Diego Simeone à propos du cas João Félix suite aux rumeurs de départ
Mais tout n’est pas à jeter dans la carrière de João Félix depuis son départ du Portugal. Le Portugais aura en effet su montrer de très belles choses lorsqu’il évoluait dans des équipes plus préoccupés par le jeu avec ballon que sans. Aux côtés de Suarez dans un Atletico plus offensif que jamais, João brillait comme le maître à jouer Colchoneros. À Chelsea, en numéro 10 dans le 3421 de Potter, il s’est affirmé comme le danger numéro 1 des Blues. En sélection, en difficulté face à la rigidité du plan de jeu de Santos, il se sera montré à son avantage lorsque ce dernier optera pour un jeu plus offensif à la Coupe du Monde. Il aura même su brillé dans des matchs importants, en étant décisif face au Ghana et la Suisse, de quoi prouver sa capacité d’être un leader.
« Chelsea est une équipe qui aime attaquer, avoir le ballon, dominer le jeu. C’est le jeu que j’aime pratiquer. Ici, je suis plus libre de mes mouvements sur le terrain : c’est comme ça que je veux jouer et j’adore ça ! »
João Félix après ses premières semaines à Chelsea sous Graham Potter
Aujourd’hui, la séparation entre l’Atletico Madrid et le joueur semble inévitable. Pourtant, les clubs ne se bousculent pas pour le recruter. Le passage Colchoneros de João Félix a mis en lumière un joueur compliqué à placer sur le terrain, inconstant, fragile et au caractère difficile. Indéniablement talentueux, le prodige doit désormais prendre conscience de ses défauts et les corriger pour relancer sa carrière et rejoindre un top club. À lui de faire le choix judicieux durant ce mercato.