Fernando Santos : la fin tragique d’un beau chapitre

 Fernando Santos : la fin tragique d’un beau chapitre

Fernando Santos a mis le Portugal sur le devant de la scène et conquis des trophées inoubliables. Mais au fil des années, l’ingénieur a perdu de son aura et il sort par la petite porte à la suite d’un Mondial décevant. 

Huit années, telle a été la (trop) longue durée du mandat du technicien portugais qui fut rempli de hauts et de bas. Une conquête de l’Euro 2016 émouvante et une Ligue des Nations 2019 remportée à domicile : Fernando Santos a réussi à faire disparaître l’étiquette d’outsider à la Seleção grâce à sa mentalité de vainqueur lors de ses débuts. Néanmoins, le même qui bâtit une histoire glorieuse, s’est perdu, année après année, par manque d’idées et de cohérence. Il creusa longtemps sa tombe jusqu’à son départ pendant que les grandes instances de la Fédération Portugaise de Football observèrent, inactifs et apathiques. 

Une volonté de vaincre instaurée au sein de la Seleção

En septembre 2014, l’équipe nationale vit sûrement une de ses pires périodes de ce siècle ponctuée par un fiasco lors de la Coupe du Monde au Brésil, en étant éliminée dès la phase de groupe. Comme si cela ne suffisait pas, les Lusitaniens commencent leur phase de qualification pour le championnat européen par une défaite humiliante contre l’Albanie (0 – 1). Paulo Bento n’est plus à la hauteur et il est poussé vers la sortie. 

L’ingénieur entre en scène en prenant les commandes de la sélection nationale. Sa première rencontre se déroule en octobre 2014 et elle est spéciale puisque l’adversaire n’est nul autre que l’organisateur de l’Euro 2016 : la France. Le mauvais résultat à l’issue du match (2 – 1) importe peu, ce qui compte est l’histoire qui suit celle-ci. « Nous avions fixé un compromis avec les joueurs : on reviendra dans deux ans ici, au Stade de France à Saint-Denis, pour jouer la finale de l’Euro. » Le meneur d’hommes révélera, quelques années plus tard, avoir fait un pacte avec ces joueurs afin de leur transmettre toute sa flamme et sa force. C’est ainsi qu’une destination ultime est tracée. 

Il adopte une vision conquérante et redonne de l’ambition au Portugal. Le chantier est colossal toutefois il réussit petit à petit à fédérer un groupe solide. Les Portugais réussissent à se rendre dans l’Hexagone en toute tranquillité. 

« J’ai dit à ma famille que je retournerai au Portugal seulement le 11 juillet. Je rentrerai et ce sera la fête. » Même en ayant débuté la compétition de façon poussive, le chef des troupes n’a jamais douté une seule seconde de lui et de ses hommes. La sélection des Quinas se qualifie en huitièmes de finale tant bien que mal. Ce sont des soldats courageux qui appliqueront un schéma cohérent dans le jeu avec comme gros atout : une défense redoutable. Ils élimineront la Croatie, la Pologne et le Pays de Galles afin de se hisser vers la grande finale face au pays hôte. Le pacte de Saint-Denis a été respecté. 

« Je veux qu’ils continuent (la presse française) à dire que le Portugal est dégueulasse, ceci et cela, puis qu’au final le Portugal aura gagné sans mériter. Quel régal ! J’irai tout content chez moi. » Une stratégie, certes, minimaliste mais efficace rend fou la presse française. Monsieur Santos en profite pour en rire et applique son plan habituel contre les Bleues. Le dénouement est connu de tous : Eder, 109e minute, fait exulter tout un peuple et donne le premier trophée à son pays. 

Fernando Santos rend fier tout un peuple. Crédit Photo : Twitter – Portugal

Grâce à une structure sérieuse, à son leadership et ses discours poignants, l’entraîneur portugais redore le blason. Cependant, plus on s’élève et plus dure sera la chute.

Une perte d’idées et des échecs cuisants

Le plus difficile quand on arrive au sommet, c’est d’y rester. Après l’effervescence de la fête en 2016, un objectif encore plus grand est en vue : remporter un Mondial. Une jeunesse flamboyante composée de Bernardo Silva, André Silva et compagnie brille et vient apporter un vent de fraîcheur. Pourtant, le système pragmatique du leader tactique persiste, ce qui ne permet pas à une génération de talents de montrer ses qualités.

Cette idéologie provoque une désillusion, un an plus tard, en Coupe des Confédérations, avec une élimination en demi-finale contre le Chili. La préparation n’est pas idéale pour le grand rendez-vous réunissant la planète entière en Russie. Dans le football, il n’y pas d’hasard et le chemin s’arrête en huitième de finale contre l’Uruguay (1 – 2). Cette nouvelle déception illustre un manque de créativité alors que les armes offensives sont plus redoutables qu’auparavant. En plus d’une animation offensive insipide, l’organisation défensive se dégrade. 

Une parenthèse heureuse va interrompre ce doute qui plane autour de Pepe et ses coéquipiers : la Nations League 2019. Cette nouvelle coupe créée par l’UEFA est remportée contre les Hollandais (1 – 0) et ainsi l’armoire à trophée se remplit. 

Ce titre a-t-il permis au tacticien de remettre ses idées en place afin de repartir de plus belle pour l’Euro 2020 ? Pas vraiment. Les démons refont surface : les pépites sont snobés et des anciens piliers, dépassés, continuent d’être titularisés (João Mario appréciera). Les déséquilibres présents dans la formation ne pardonnent pas et de cela en résulte une 2e place lors de la période qualificative, derrière l’Ukraine. 

Rien ne changera également pendant l’été 2021, un tour après une phase de groupes décevante (3e du groupe dont une gifle contre l’Allemagne), c’est le retour à la maison (échec contre la Belgique).

Fernando Santos ne se remet toujours pas en question, continue de se perdre et de ternir la réputation qu’il avait construite. 14 Novembre 2021, tremblement de terre à Lisbonne : revers face à la Serbie et une éjection directe pour les play-off du Mondial 2022. Une prestation de petits bras. Comment est-ce possible de produire aussi peu avec autant de talents sur le terrain, demandent les journalistes ? Seule réponse de se part : « Comment je peux répondre à ça ? » L’homme fort d’une lointaine époque est maintenant désemparé. 

Il reste en place, remotive ses soldats et établit deux succès importants (contre la Turquie et la Macédoine du Nord) afin de décrocher le ticket direction le Qatar. Durant ce tournoi, on découvre une nouvelle facette du doyen : adieu la timidité offensive et bienvenue la liberté aux artistes au cœur du jeu, ce qui fera les joies de João Félix et de Bruno Fernandes. Des choix poignants sont effectués : Cristiano Ronaldo découvre le banc de touche et Gonçalo Ramos, lui, la gloire. La prestation magistrale contre la Suisse fait rêver (6 – 1) et un sacre tant désiré commence à se dessiner. Le Maroc remet les pendules à l’heure et détruit les espoirs de tout un peuple en quart de finale (0 – 1).

Un vainqueur qui a été piégé par son propre système. Crédit Photo : Twitter – Portugal

Des déroutes dues à l’incompétence d’un bonhomme qui tourne son plan de jeu dans tous les sens avant un réveil soudain qui n’aboutit finalement en rien : c’est ainsi que Fernando Santos est démis de ses fonctions. Un départ malheureux pour quelqu’un dont le nom restera à jamais marqué dans l’histoire de cette terre qui vit le football. Par contre, cette situation ne peut être seulement mise sur le dos d’un être, elle est aussi la conséquence du laxisme de la Fédération Portugaise de Football. 

Un laisser-aller de la FPF 

Dernièrement, les hautes instances sportives sont discrètes, pourtant ils font partie des grands responsables du triste état du Portugal. Pendant l’été 2020, le fait de prolonger le contrat de Fernando Santos jusqu’en 2024 est une des décisions douteuses de leur part. « Naturellement, tous ces résultats – indépendamment de l’excellent travail réalisé par Fernando Santos tout le long de ses 6 années – nous donnent une garantie sur le fait que la décision a été extrêmement facile à prendre. »  avait déclaré le président de la Fédération, Fernando Gomes. 

Ce dernier a t-il été embarqué par l’ébullition provoquée par les titres et a négligé les carences visibles sur le rectangle vert ? Seul lui peut nous le dire. Ce qui est sûr, c’est que cela a été audacieux de faire durer l’aventure du vieux père pour une aussi longue période. 

La FPF observe la déconvenue de l’Euro 2020 et silence absolu. Pas le petit doigt qui bouge. La calamité qui suit et qui fait sensation au niveau national et international contre les Serbes ne sera pas assez choquante pour qu’une pression soit mise sur le coach de 68 ans. 

Fernando Gomes (Président de la FPF) muet pendant les mauvais moments. Crédit Photo : Twitter – Cabine Desportiva

« On a défini des objectifs avec Monsieur Fernando Gomes. Quand je me suis engagé avec lui en 2014, j’ai dis le jour ou un de nos objectifs n’est pas accompli, je pars de moi-même. Jusqu’ici, ils ont tous été atteint. » Cette déclaration du stratège quelques jours après cette débâcle est révélatrice du peu d’exigence de l’institution sportive. Des huitièmes de finale suffiraient amplement afin que les missions soient accomplies. Dommage. 

Les yeux se sont enfin ouverts. Mieux vaut tard que jamais, mais des signes prémonitoires montraient que cette fin tragique aurait pu se conclure d’une autre manière.

Hugo Da Silva

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