EURO 2020 – Allemagne x Portugal : Analyse d’un fiasco tactique
Retour sur la défaite du Portugal à Munich samedi dernier et sur l’échec complet du plan de jeu (si tenté qu’il ait existé) de Fernando Santos.
« Tous ce que l’Allemagne a proposé aujourd’hui était détaillé et analysé ». Permettez-nous d’en douter Monsieur Fernando Santos. Car dès les premières minutes de cette rencontre face à l’Allemagne, les faiblesses de l’organisation portugaise se sont fait ressentir.
L’absence de Renato Sanches au coup d’envoi était déjà un indicateur que le Portugal ne repartirait pas sur le 4-4-2 en organisation défensive présenté face à l’Espagne en match de préparation. La même composition que face à la Hongrie est ainsi reconduite. Structuré en 4-1-4-1 avec Danilo en sentinelle.
L’Allemagne était avant ce match déjà dos au mur avec cette défaite face à la France en ouverture de son championnat d’Europe. Une situation qui a conduit Joachim Low à reconduire un 3-4-3 d’une grande agressivité offensive avec ballon. Des velléités offensives qui impliquaient leur lot de risques à la perte du ballon.
Et dès les premiers instants, la supériorité spatiale de l’organisation offensive allemande saute aux yeux. Et vous vous en doutez, le côté droit portugais et la performance de Robin Gosens sera une thématique majeure de cette analyse. Car la prise de risque allemande est aussi passé par ce positionnement extrêmement haut des pistons Robin Gosens et Joshua Kimmich. Pour étirer cette ligne défensive portugaise et attaquer cette profondeur extérieure. Plus difficile par contre de réagir en cas de perte. Les projections de Gündoğan laissant parfois seulement Kroos et les 3 centraux pour équilibrer ou celles de Ginter à droite, décalant Kimmich dans l’axe et surpeuplant l’axe avec 4 joueurs étaient d’autres comportements très offensifs des allemands dans ce match.
En effet, le problème n’a pas été quand Robin Gosens recevait le ballon dans les pieds. Dans ces moments, Semedo cadrait facilement le joueur de l’Atalanta. Et un des milieux (Danilo particulièrement) couvrait l’espace se créant entre le joueur des Wolves et Pepe.
C’est en effet dans deux autres scénarios que Gosens a littéralement fait vivre un enfer à la Seleção : les variations de jeu depuis la droite et les courses dans la profondeur extérieure. Et ces scénarios se sont révélés très rapidement, à l’image du but refusé pour ce même Gosens (5e).
Le but de Ronaldo sonnait ainsi comme une bénédiction. Car après son très bon début de match, l’Allemagne se faisait de nouveau trahir par sa transition défensive : Gündoğan passif au tout départ de cette action et l’espace sur la largeur utilisée par Diogo Jota. Sans oublier le rôle de Ronaldo : depuis le duel gagné sur le corner défensif, jusqu’à sa course folle pour marquer en passant par la fixation de l’attention d’Havertz par cette même course pour libérer un peu plus Jota. Une contre-attaque parfaite mais finalement illusoire, tant par la suite le Portugal aura du mal dans ces situations.
L’occasion était belle pour le Portugal avec l’avertissement du but invalidé à Gosens et cette ouverture du score pour tenter d’enfoncer la Mannschaft. Rien n’y fait. Le Portugal repartira sur son plan de jeu de départ : bloc bas et on recherche les transitions. Dans les deux cas, rien ne fonctionnera par la suite.
Car l’Allemagne n’a pas paniqué et a surtout continué à reciter son football. La supériorité spatiale et numérique à gauche était évidente mais d’autres dynamiques ont favorisé ensuite la démonstration allemande. L’insistance du jeu entre les lignes propre au 3-4-3 tout d’abord. Avoir Kai Havertz dans son équipe est déjà une chose. Avec Thomas Müller, c’est rajouter une sacrée dose d’intelligence et de qualité pour désorganiser les blocs bas. Avec Joshua Kimmich piston droit, on observera des joueurs très proches les uns des autres pour enchainer combinaisons et décalages sur ce côté droit. Afin d’attirer le bloc portugais sur ce même couloir et trouver à l’opposé un Robin Gosens dans de encore meilleures conditions.
L’art de manipuler les lignes d’une facilité déconcertante. Favorisé par cette ligne du milieu de terrain d’une grande naïveté. Et un passage en 4-5-1 qui n’y changera rien. Les milieux portugais dans un premier temps, n’ont jamais réussir à couvrir ces possibles lignes de passe à l’intérieur. Et dans un deuxième temps, ils n’ont jamais compris les moments pour cadrer ou couvrir. Laissant un temps et espace infini face au jeu à des Toni Kroos ou Mats Hummels. Cadrant mollement d’autres fois et se faisant au final aspirer pour ouvrir des espaces autres part au milieu. Des espaces utilisés mais avec toujours Robin Gosens comme acteur majeur. Des joueurs portugais perdus défensivement comme preuve d’une préparation du match incompréhensible. Et un sélectionneur qui ne réagit pas.
Le décalage fait et la supériorité numérique allemande évidente sur la ligne défensive portugaise (surtout le 2v1 entre l’intérieur et le piston allemand face au latéral portugais), le show Gosens peut continuer.
Le Portugal encaissera ainsi 4 buts dans les 45 minutes après son ouverture du score. Une organisation défensive défaillante dans le contrôle de la largeur, de l’espace entre les lignes et dans la profondeur. Et absolument pas compensée par les moments offensifs.
En transition, le but fut un mirage. Le Portugal, malgré les failles de l’Allemagne à la perte, ne prendra que très peu de risque pour sortir de la zone de pression (seule contre-exemple à 43e au moment du hors-jeu de Diogo Jota) à la récupération (la plupart des transitions jouées à la suite de seconds ballons consécutifs à des tirs allemands contrés (12e et 44e). Ajouté à cela, une réaction à la récupération du ballon lente, peu de projection (Pepe a dû apporter son soutien 2 fois), des couloirs mal occupés (l’espace à l’opposé souvent désertique) et des approximations techniques pour agrémenter le tout.
Et comme on l’a vu face à la Hongrie, ce n’allait pas être par la construction que le Portugal allait y arriver. Sous pression ou non, les hommes de Santos ont montré les mêmes lacunes. Aucun jeu intérieur, des espaces mal occupées et toujours ces constructions à droite si stériles.
Joachim Low a fait le match. Il l’a ensuite défait juste après le 4e but de Gosens. En enlevant l’homme du match et faisant deux autres changements. Le Portugal marquera sur coup de pied arrêté. Seule autre grande faiblesse allemande que le Portugal a réussi à explorer dans ce match. (22e, 28e et le but de Jota à la 66e).
Low qui aurait pu se faire punir par une fin de match bien plus stressante si la frappe de Renato Sanches avait trouvé le cadre (78e). Preuve d’un sélectionneur qui n’a pas encore retrouvé son inspiration d’antan par le message qu’il a envoyé avec ces changements. Le missile néanmoins de Renato ne provient toujours pas d’une action construite et le Portugal reste toujours aussi amorphe dans la création.
Ce match aura été le témoignage d’un sélectionneur simplement en retard sur les tendances actuelles du football. En retard sur la construction à 3 défenseurs. En retard sur l’amplitude constante et maximale offerte par les pistons. En retard sur le contrôle de l’espace entre les lignes face à la densité proposé par les intérieurs du 3-4-3 adverse. En retard sur les lignes défensives à 5 (quand Bernardo, Renato puis Rafa montrent les exactes même failles, les trois étaient réellement dans un mauvais jour en termes d’efforts et de replis ou simplement mal préparés ?). Des choses qui sont pourtant légion dans son championnat national. Et cela depuis plusieurs années. Dommage qu’il le maitrise.
Enfin, ce match est aussi la confirmation d’un entraineur qui ne sait pas respecter l’identité de joueurs formés puis évoluant dans des équipes protagonistes. Car le Portugal a joué face l’Allemagne comme une petite équipe. Ouvrant le score contre le courant du match et cherchant à tenir ensuite ce résultat. Des ambitions que ses joueurs évoluant à Manchester City, la Juventus, le PSG, Manchester United, Liverpool, Dortmund ou Porto ont beaucoup connu durant leur formation et désormais durant leur carrière ?
Avant de respecter mon identité, je dois respecter l’identité de mes joueurs. Car c’est eux qui vont servir mon idée.
Luis Castro
On a beaucoup évoqué le terme de déclic après la victoire à l’Euro 2016. Que le complexe d’infériorité avait enfin disparu. Mais tout ce qu’on a vu samedi à Munich, 5 ans après Saint-Denis, c’est les intentions d’une petite sélection face à la grande.